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DON, la face cachée d’Henri Vernes

André Taymans

Pour 

Henri Vernes



D’aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours bien entendu avec Henri Vernes. N’ayant pratiquement lu aucun de ses romans, les choses paraissaient pourtant mal engagées. Mais, paradoxalement, c’est, je pense, ce qui nous a rapprochés. Enfin quelqu’un qui n’allait pas lui rabâcher les oreilles avec “l’aventurier”! Je me souviens de discussions passionnées autour d’Alexandre Dumas et de ses mousquetaires, ou de Malraux dont nous avions en commun l’amour pour La voie royale. Ce n’est que, plusieurs années plus tard, lors de l’édition d’un roman inachevé, La forêt du temps, que je compris l’apport inestimable de Malraux à l’œuvre d’Henri. Souvent, il se désespérait que nombre de ses lecteurs n’avaient lu dans leur vie que Bob Morane… un héros pour adolescents!

Par une belle journée de printemps de 1999, alors que je déjeunais avec Henri du côté de la place du Châtelain à Bruxelles, il me lança: “Connais-tu DON?”. Je lui avouai mon ignorance. “DON, me dit-il, c’est le vrai Henri Vernes! Autre chose que Bob Morane, prude chevalier blanc pour ado boutonneux! DON et Bob sont les deux faces d’une même pièce nommée Henri Vernes dont DON est la face sombre! Il baise, il tue, il choque, il a une morale et un code d’honneur qui lui sont propres!” Beaucoup plus proche de son créateur que de son célèbre double. De retour dans son appartement-musée (Henri était un grand collectionneur d’armes et d’objets anciens), il tira de sa bibliothèque deux romans de ce personnage que je ne connaissais pas et s’empressa de me les dédicacer, avec une idée derrière la tête: une adaptation BD de DON!

Les couvertures des romans ne laissaient pas de place à l’ambiguïté. En plus de charmants modèles dénudés, trois mots: “Danger”, “Érotisme”, “Violence”. Il était évident que DON ne jouait pas dans le même registre que Bob Morane! À la lecture, on sent l’auteur en roue libre. Il ne s’interdit rien, il s’amuse. Dans une biographie que lui consacrera Daniel Fano en 2007, il dira: “Les jeunes, de toute façon, ils ne lisent plus Bob Morane mais SAS. Mais moi, je ne peux pas me mettre à faire des Bob Morane érotiques. C’est pour cette raison que j’ai créé une autre série, DON. J’en ai fait onze. J’avais envie de me défouler.”

L’adaptation de DON en BD était l’occasion pour Henri de casser son image, en privilégiant les éléments sulfureux de ses intrigues. Du sexe, rien que du sexe! Ce qui, je l’avoue, me fit reculer. Caroline Baldwin était en pleine ascension et je me voyais mal expliquer à mon éditeur de l’époque et à mes lecteurs que je me lançais dans des aventures érotico-pornographiques, fussent-elles écrites par un géant de la littérature belge.

Henri ne m’en tint pas rigueur et me dédicaça un dernier roman avec ces mots: “Pour André Taymans, plus qu’un confrère, un ami.”

Vingt ans après, comme chez les trois mousquetaires qu’il aimait tant, le destin remit DON sur ma route. Et vous le savez tous, personne n’échappe pas à son destin!


(Henri Vernes et André Taymans)


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