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L’écriture en doutes

Paul Mathieu

Pour 

Francis Chenot

La poésie pour explorer notre temps et pour mieux nous comprendre. Francis Chenot, Jean Loubry et quelques autres, par l’intermédiaire de Jean-Paul Giraux, donnent autant de pistes sur lesquelles méditer ou s’engager résolument.


Pourquoi ajouter ses mots à ce qui a déjà été dit et redit, souvent en mieux, se demande le Belge Jean Loubry? Et pourquoi pas? Les mots sont à tout le monde et d’ailleurs «les dictionnaires se plagient sans cesse». Dès lors, que peut faire le poète, sinon s’obstiner à souffler sur le peu de choses, les quelques traces de vie, qu’il faut chercher outre le mot, outre la mort, fût-elle celle d’un proche comme celle qu’évoque l’écrivain dans les poignantes pages finales de son recueil. Les textes tracent ici une sorte de bilan ou plutôt de constat, comme un «dernier cri / dans le silence». Au gré de sa réflexion sur l’être, sur la précarité et sur le temps «toujours à deux doigts de mourir», Jean Loubry rappelle qu’il faut aller «Hors de soi/ au plus vif/ du désir d’exister».

S’il est un des maîtres d’œuvre de L’Arbre à Paroles, c’est toutefois chez un autre éditeur que, cette fois, Francis Chenot a publié un recueil dont le titre, «Chemins de doute», lui convient à merveille. Entre l’«Été des Indiens» et la mise en route (en doute), la poésie, ici, c’est cet écureuil vite dégringolé d’un arbre et dont on n’a que le temps de voir le panache. Les signes de la nature aussi: le ciel, la lune…, autant d’images qui sentent leur volée de pommes mûres et de canneberges maraudées au petit bonheur et qui rappellent qu’«Écrire pour se justifier d’être au monde, cela suffit». Avec ses étoiles qui cloutent le ciel et ses jeux de mots sur «l’if qui…/… paraît faire fi / de possible anagramme», Chenot a le don des images pour ainsi dire définitives: «Prendre ses mots en patience» ou encore: «jamais on ne passe le temps / c’est le temps qui passe». Du coup, si le poète ne peut pas changer le monde, au moins peut-il affirmer son désaccord et s’écrier qu’«il y a urgence surtout aujourd’hui d’oser l’impossible».

Toujours au nombre de publications récentes de l’Arbre à paroles, signalons enfin un recueil d’études et d’entretiens que Jean-Paul Giraux a eus pour l’émission «Mercredi du poète» qu’il anime à Paris depuis plusieurs années. Ce sont vingt-et-une grandes voix de la poésie contemporaine qui, entre Aragon et Césaire, entre Guillevic et Simonomis, apportent leurs lumières sur leur art et celui de leur temps. Une référence!



À lire:

Francis CHENOT, «Chemins de doute», Éditions de l’Atlantique, 2011; 60 pages, 16 €

Jean LOUBRY, «N’y demeure qu’écriture», L’Arbre à paroles, 2011; 54 pages, 7 €

Jean-Paul GIRAUX, «Aragon, Césaire, Guillevic et 21 invités du mercredi du poète. Études et entretiens», L’Arbre à paroles, 2011; 272 pages, 18 €


© Dirk Skiba

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