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L’Existence

Vincent Tholomé

Pour 

Werner Lambersy

Poème pratique d’Anton Nijkov — Un jour, une fois, lors d’une URBEX (exploration urbaine) dans une friche industrielle battue par les vents, dans un dortoir, nous tombons, Gauthier Keyaerts et moi sur 882 feuillets numérotés, collés aux murs, signés Nijkov, Anton Nijkov, traitant de l’existence, de la vision de Nijkov, à destination du cosmos ou de tout qui, terrestre ou extraterrestre, désirerait connaître la beauté et la folie de l’âme humaine. Dans le feuillet # 88, Anton Nijkov fait allusion, explicitement, à Werner Lambersy, quelqu’un qu’il a dû croiser, quelqu’un qu’il a dû lire, quelqu’un qui le traverse. De Werner Lambersy, Anton Nijkov dit:   

 

Werner Lamberski: le 7 novembre 96, à table, dans une brasserie parisienne, pas loin de ton lieu de travail, tu as presque dit: “un jour, peut-être, mon art saura ce que savent les chats, les poissons rouges et le thé vert du Sechuan”, le 15 janvier, même année, au réveil, ta chevelure blanche ébouriffée, ta barbe blanche disloquée, tu as dit que toi, toi toi, tu te méfiais de la pensée, “tout le temps tournée vers le passé”, as-tu dit, “tout le temps ignorante du présent et des dernières nouvelles des bêtes qui nous guettent”, le 15 août 86, sur une falaise, quelque part, tes pieds dans l’herbe qui tremble, tu as dit, ou aurais pu dire: “les poèmes existent à peine, sauf pour ceux qui en meurent, les poèmes sont un fragile vol de bernaches, sauf pour celles qui peinent, les poèmes entretiennent la soif” et peut-être l’as-tu dit, ou peut-être pensé, je ne sais pas, je ne sais pas ce que pensait Werner Lamberski le jour où ses cheveux blanchirent, je ne sais pas, je ne sais pas s’il préférait le thé au café, le potage minestrone au velouté au potiron, je ne sais pas s’il blanchit d’une fois, d’un coup, pan!, dans un descente vertigineuse dans un maelström solaire ou si, patiemment, la barbe et la chevelure de Werner Lamberski devinrent blanches à force d’être dans le déluge des mots, ces butins de pirates qu’on acquerrait dans les tempêtes, cette sagesse sensible, à fleur de peau, qu’on acquerrait à coups de lectures chinoises, ou japonaises, ou: à force d’imaginer qu’on arrivera peut-être un jour à faire sens de tout cela, à faire peau de tout cela, et à donner, vaille que vaille, mémoire à nos doigts, définitivement gourds, ou quelque chose du genre.

© OIivier Calicis

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