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La quête du sens

Jean Claude Bologne

Pour 

Frédérick Tristan



Frédérick lui-même s’amusait de son personnage d’homme sans nom aux mille visages. C’est ainsi que je l’ai connu, la multiplicité des personnalités assurant une paradoxale cohésion cimentée d’ironie, de subtilité, d’amitié. Nos rapports ont d’abord été ceux du tout jeune critique littéraire à l’écrivain reconnu. Comme Michel Host, mais pour d’autres raisons, c’était un rescapé du Goncourt, qui avait faussé ses rapports avec la presse (il fallait l’entendre raconter les incursions barbares des photographes ou le cliché de « mystificateur et mystique » qui lui a collé à la peau). Il était touché de ma préférence, parmi tous ses romans, pour La geste serpentine, qui n’avait pas rencontré un large public. Puis il a connu mes propres romans et m’a proposé de partager l’aventure de la Nouvelle Fiction, où se sont nouées des amitiés solides. Il m’a proposé sa succession à la chaire d’iconologie médiévale de l’ICART. Il m’a introduit dans le compagnonnage des Arts et Lettres, où j’ai pu vivre une spiritualité dégagée de tout dogme religieux sans les dérives que je reprochais à la franc-maçonnerie. Il y assumait le rôle de Frère Terrible, qu’il m’a par la suite transmis. Terrible ? Il ne le fut pas plus que moi, mais c’était, au-delà de la référence maçonnique, un clin d’œil à ses initiales. Il aimait ces private jokes qui introduisaient un imperceptible décalage entre réalité et fiction. Comme le K ajouté à son prénom, son premier éditeur n’ayant pas compris qu’il voulait signer Frédéric K. Tristan, à l’américaine, mais depuis fièrement assumé. Comme les innombrables boiteux qui parcourent ses romans et qui mettaient le sulfureux Vulcain sur le même pied que le héros Achille — et, bien sûr, que l’initié au genou découvert. C’est lui qui m’a appris, dans mon propre prénom, à associer l’envol de Jean à Patmos à la claudication de Claude. Et, en fin de compte, qu’il faut toujours trouver, derrière les hasards et les coïncidences, tout ce qui fait Sens.

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