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Un romancier qui vous veut du bien

Michel Paquot

Pour 

Francis Dannemark

La véritable vie amoureuse de mes amies en ce moment précis parle d’amour, d’amitié et de cinéma. Et procure une sensation de bien-être.

Résolument optimiste. Joyeux. Enjoué. Convivial. Le nouveau roman de l’écrivain belge Francis Dannemark est tout cela. Pendant 450 pages et sept mois, de novembre à juin, on accompagne avec allégresse une dizaine d’hommes et de femmes heureux de se connaître. Et de se retrouver une fois par semaine dans la maison de l’un d’eux pour partager un repas chaleureux et visionner un vieux film.

« J’ai toujours écrit des romans très courts, confie l’auteur, faisant, faute de temps, l’impasse sur mon désir d’écrire de grandes histoires avec beaucoup de personnages. Il y a quelque temps, j’ai connu une situation difficile et, me lançant dans ce vaste chantier, je me suis créé une deuxième maison. Cette maison rêvée a été mon refuge pendant des mois et des mois et les personnages sont devenus comme des amis. J’ai cherché à faire un livre aimable, pas admirable. Je voulais non pas impressionner mes lecteurs, mais leur faire un peu de bien dans un monde un peu misérable. »

La vaste bâtisse bruxelloise où se réunit le groupe est une ancienne maison médicale qui hébergeait jadis de nombreuses disciplines différentes. Aujourd’hui, Max, psychologue, est le dernier à l’occuper à temps plein. Avant qu’elle ne s’écroule. Car la demeure est un piteux état, et les réparations coûtent cher. « C’est à la fois une image de ma vie lorsque j’écrivais le livre et de notre monde qui se déglingue à toute allure. Et ça fait très peur, on est tous plus ou moins mal avec ça. Que peut-on quand même faire ? Le roman répond à sa façon : en créant des liens. »

C’est autour d’un film ancien, avec une prédilection pour les comédies des années 1930, que se retrouvent chaque mercredi deux hommes et huit femmes, de 40 à 75 ans, majoritairement divorcés, célibataires ou veufs. Ils se connaissent tous depuis longtemps, hormis une ex-patiente de Max qui vient d’arriver. Car La véritable vie amoureuse de mes amies en ce moment précis est d’abord une histoire d’amitié, même si chacun se pose la question de la vie en couple, la plupart d’entre eux étant par ailleurs parents d’adolescents ou de jeunes adultes. Tel Max dont le fils et la fille, respectivement partis à Barcelone et à Londres, viennent le voir pour les fêtes de fin d’année.

Le cinéma, pour Francis Dannemark, ce sont d’abord « des histoires formidables ». Très féru sur le sujet, il cite dans son roman des dizaines de films, connus ou moins, que ses héros évoquent ou visionnent avec toujours le même plaisir. « C’est chez moi, un goût aussi ancien que celui pour les livres ou la musique. C’est le contre-point de mes activités d’éditeur [au Castor Astral où il dirige la collection Escales des Lettres] ou de conseiller littéraire. J’ai longtemps eu honte de dire que, parfois, je n’en peux plus de lire. Et souvent de mauvais manuscrits. Mais si j’ai beaucoup de peine à être un lecteur tout à fait naïf, je garde par rapport au cinéma une très grande fraîcheur que je n’ai plus quand j’ouvre un bouquin. »

Il avoue une affection particulière pour le cinéma des années 1930. « Ce sont des années de crise, de dépression, dangereuses, difficiles, on sent qu’un conflit arrive. Et pourtant, jamais dans l’histoire de cet art, on a connu une telle production de comédies, celles de Capra, McCarey, La Cava et d’autres. Mais elles prennent en charge l’état du monde, elles ne font pas semblant que le monde va bien. L’accent est par exemple mis sur l’opposition entre riches et pauvres. Et pourtant, le regard porté est extraordinaire, on peut en rire. Je trouve cela magnifique. Quant à la comédie musicale, elle est, avec le dessin animé, le cinéma le plus pur. Ce sont les deux seuls genres cinématographiques qui s’affranchissent totalement du réalisme, de l’envie de faire vrai. On sait tout de sait que l’on est dans une autre dimension. Cela peut produire des tas de bêtises comme des chefs d’œuvres. »


Un autre élément fondamental du roman est le climat. Les premiers chapitres, qui se passent sous la neige compliquant les déplacements, génèrent un climat très bien rendu. « Je pense qu’au quotidien, le ciel au-dessus de notre tête, la température, nous influence considérablement », sourit l’auteur du Grand Jardin.

Et puis, une fois encore après Choses qu’on dit la nuit entre deux villes ou Du train où vont les choses à la fin d’un long hiver, se rappelant qu’il est également poète, Francis Dannemark a choisi un long titre, ici formé de deux décasyllabes, le ver classique des épopées au Moyen Âge. Tout simplement parce que, pour lui, « le roman doit se retrouver dans la musique du titre ».


(article paru dans L’Avenir, le 8 septembre 2012)

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