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Visite et rencontre

Delphine Arnould-Balandier

Pour 

Marcel Moreau




Marcel,


C’est un bien étrange lieu de rencontre une sépulture, n’est-ce pas? Moi qui ne t’ai pas lu, qui ne sais de toi que ce que ton ami Otto m’a laissé transparaître. Ce jour-là j’étais sa messagère.

Je suis la veuve de deux de tes congénères du Père Lachaise, un Franck et un autre Marcel, que je vais souvent visiter. Il s’avère que tu reposes à équidistance d’eux. J’ai eu un peu de peine à te trouver, mais je suis souvent forte à ce jeu-là.


Te souviens-tu du bout de mes doigts sur ton nom gravé? Je me suis permise, entre bons inconnus, de faire un petit ménage sur ta dalle. As-tu senti mes gestes précis et émus pour te dépoussiérer? Peut-être as-tu un peu tressailli dans le lin de ton cercueil. Peut-être m’as-tu trouvée jolie. J’ai aimé l’élégance simple de ta tombe. Comme celle qui transperce de ta carapace d’ogre.


Il y a eu du lien, quelque chose de juste, quelque chose d’aligné de ton squelette à ma main posée. Là, dans cet entre-deux mondes que je chéris, nous étions beaux, toi le gisant, moi la vivante.


Je tarde à faire ta connaissance, par peur de briser le songe de ton être, par ton âme ressenti. Mais le temps est venu de saisir ton souffle, celui qui perdure dans tes mots.

Je reviendrai te visiter. Et alors, assise à l’endroit de ton choix, je te dirai de mes cordes habitées.


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