Jean-Luc Nancy est un philosophe touche-à-tout. Cette qualification n’a rien de péjoratif, elle vise plutôt à rendre compte de l’immense variété des champs d’intérêt de ce penseur.

Bien sûr, il y a en premier lieu les questions philosophiques classiques : le monde, la liberté, la création, l’être – ou mieux être en faisant abstraction de l’article –, le singulier et le pluriel, la communauté, l’amour, le désir… À cela s’ajoute une lecture des grands philosophes : Platon, Descartes, Kant, Hegel, Nietzsche, Heidegger, Derrida pour ne citer qu’eux. L’approche des problématiques philosophiques se fait toujours avec la volonté de les penser autrement, sans répéter une conceptualisation métaphysique. Ainsi le corps et le toucher ont-ils fait l’objet d’une attention toute particulière, notamment depuis sa transplantation cardiaque.

Jean-Luc Nancy a également manifesté un grand intérêt pour le christianisme, vue comme une religion en déconstruction, celle de la disparition des dieux antiques, celle de la kénose, celle qui permet peut-être de penser la foi (sans contenu) en la distinguant de la croyance qui est toujours croyance en un contenu.

Les questions politiques, en particulier le nazisme, l’antisémitisme, l’esthétisation du politique par la voie des mythes…, reçoivent une place de choix dans ses écrits qui peuvent également traiter du contemporain (par exemple du « trop humain virus » en 2020).

Il y a encore l’attrait pour la poésie, le théâtre, le cinéma, la danse, la musique et la littérature. Traducteur, avec Philippe Lacoue-Labarthe, des textes du premier romantisme allemand, en particulier ceux de la revue l’Athenaeum des frères Schlegel, Jean-Luc Nancy a également commenté entre autres Georges Bataille et Maurice Blanchot.

Un grand soin a été accordé à l’accessibilité de sa pensée par Jean-Luc Nancy qui a multiplié les entretiens, ouvrant de la sorte sa réflexion au surgissement d’autres voix ou d’autres mains écrivant, les émissions de radio et a prononcé plusieurs conférences à destination des enfants ou des jeunes adolescents.

Évoquer Jean-Luc Nancy ne va pas sans évoquer l’amitié, celle avec Philippe Lacoue-Labarthe et celle avec Jacques Derrida, mais aussi celle avec tant de personnes disséminées à travers le monde, lectrices ou lecteurs, qui ont eu la chance de partager avec lui une boisson ou un repas, un moment de parole lors de colloques ou de rencontres.

Michel Lisse