Après une âpre lutte contre le cancer, Francis Dannemark est décédé le 30 septembre 2021, jour bien sombre sans sa lumineuse présence.

Francis est né à Maquenoise, un endroit qu’il aimait définir comme un lieu désolé, perdu sur la frontière, un 13 avril en 1955. La date n’est pas anodine, elle fit de lui un bélier et une chèvre selon l’astrologie chinoise, signes qui revêtaient une importance primordiale à ses yeux et dans lesquels il se reconnaissait, en revendiquait les qualités comme les défauts, les brandissait, tels des boucliers, justifiant sa générosité, sa sensibilité, son souci de la perfection mais aussi son jusqu’au-boutisme et son entêtement.

De cette naissance dans un milieu rural, et bien qu’ayant grandi à Anderlecht, Francis garda toute sa vie le sentiment d’être étranger, étranger à la ville, étranger à son milieu, étranger à ce monde où le matériel a tellement d’importance.

Francis, auteur prolixe, laisse à ses lecteurs attristés une quarantaine de livres, romans et poèmes, parus principalement chez Seghers, au Castor Astral ou chez Robert Laffont.

Francis, éditeur rigoureux, a publié plus de 120 titres d’auteurs francophones dans la collection « Escales des lettres » qu’il dirigeait ; a organisé de nombreux festivals littéraires internationaux ; a dirigé un centre culturel bruxellois ; a animé des ateliers d’écriture, a été enseignant, attaché culturel, critique de cinéma…

Francis, papa tendre, laisse trois fils noyés dans le désarroi et la tristesse.

Francis, précieux partenaire d’écriture, dont le départ m’a obligé à refermer trop tôt les cahiers du duo improbable que nous formions. Biefnot-Dannemark, s’est lancé dans tant d’histoires… certaines ont vu le jour… d’autres, comme autant de promesses de rêves qu’il y aurait à écrire encore, ne le seront plus.

Francis, artisan des lettres, attentif aux détails, soucieux de la cohérence, restait pourtant toujours ouvert à la poésie d’une phrase légère, accueillant chaque petit moment de grâce avec jubilation.

Francis, élégant funambule, balançait constamment entre l’imaginaire et le réel, entre le poétique et le concret, insatiablement curieux. Dans son petit appartement devenu jungle, la verdure s’immisçait entre les multiples aquariums dont la lumière verdâtre illuminait les livres, si nombreux, soigneusement classés dans les bibliothèques, les poissons rares animant de leurs nages tranquilles les rayonnages remplis de DVD, croulant sous les CD dont, en amateur passionné de cinéma et de musique, il pouvait parler pendant des heures.

Francis, tellement déraisonnable, merveilleusement passionné, oubliait parfois la mesure, refusait les compromis, ne se souciait guère des contingences matérielles ; sa générosité, ses choix parfois mal venus l’ont amené, souvent, à constater qu’il ne savait pas y faire avec l’argent.

Francis collectionnait autant d’ennemis dépités que d’amis fidèles, partageait avec les uns et les autres de longs échanges, parfois houleux, où se manifestaient sa bienveillance, ses conseils judicieux, mais aussi une grande exigence et une intransigeance certaine.

Francis dont le parcours fut vif, brillant, jamais tranquille, nous laisse désolés, avec, entre les mains, la douce consolation de ses livres à lire ou à relire.

Véronique Biefnot